Le ciel était recouvert d’une cataracte ; bien que le temps fût clair, cette brume qui taisait son nom ajoutait un je ne sais quoi de nauséeux dans les cœurs.
Le carrelage ciré luisait de sa présence.
Ses yeux souriaient pour ses lèvres ; un muscle y tressaillit.
*
Il inspira l’odeur et les idées ; à la ronde ; secoua de déni sa crinière amazonienne.
« Ressens-moi ça, damné philistin. »
L’autre fit une moue de déni ; il se prit une chiquenaude sur l’oreille.
*
« Sors ta truffe du nombril ; émerveille-toi de chaque instant sur cette planète ; partage l’amour de l’être humain, de la Nature, de la vie. »
Avec dédain, l’autre détourne la tête en balayant de la main son espace aérien.
« Prends garde à ton haleine de prosélyte, tu charges l’air de naphtaline. »
*
« Non seulement je vais te soulever l’estomac, mais je m’apprête à t’ouvrir le crâne. »
L’eau glisse le long de la ficelle.
La feuille s’agite de spasmes quand une goutte s’y écrase ; la pluie s’abat, l’arbre est vivant.
*
Le chant du merle est une pure création musicale, indépendante et renouvelée.
La rosée condense sa lanterne matinale au gré des brins d’herbe.
Même les nuages ronflent comme les flammes sous le plafond atmosphérique.
*
L’humour est une fête de l’intelligence ; l’amour est une force de l’habitude ; la mort est une farce de l’éloignement. [La misère est une faute de l’humanité.]
Les grains de sable se frictionnent pour apporter leur chaleur au monde.
Il est ainsi que s’entend par le grondement et le craquement la voix de l’éclair ; sublime brute.
*
Un champignon céleste contraste la foudre tonitruante avec le silence ouaté au sol.
Les grêlons bondissent dans l’herbe telles des sauterelles blanches.
La mémoire est le seul désordre que l’on tolère, que l’on prospère, que l’on exécute.
*
L’amour rend aveugle, le soleil également ; l’amour détruit, le soleil aussi ; l’amour révèle, le soleil de plus belle.
La glace qui fond rejoint la mer des larmes : il n’existe pas de glace qui soit éternelle.
Les nervures de la feuille sont les lignes de la main.
*
Plus c’est fort, plus c’est fou, plus c’est faux.
L’unique désert où la désolation seule vainc est de type religieux.
Marcher sous la pluie ensoleillée, cheminer sous la Voie Lactée : quelle est la différence ?
*
Le passé peut être source d’enrichissement, d’emprisonnement et d’empoisonnement : prends le pétrole.
Traverser la toundra, c’est comme passer ses doigts sur un crâne chauve ; on s’aperçoit soudain que la Terre est ronde !
Aux meilleures choses, il est plus aisé d’y trouver une fin qu’un début.
*
Confondre une edelweiss avec de la neige ; autant confondre le chant des baleines avec un sonar.
Toutes les nuits, on ricoche sur le sommeil ; jusqu’à la dernière.
Une galaxie, c’est comme deux œufs au plat l’un contre l’autre ; de là l’origine du respect pour la cuisine.
*
Fraise, framboise, fromage : ne pas chercher l’intrus.
Un grain de poussière qui flamboie, c’est une étoile filante ; une planète qui rougeoie, c’est Mars qui enchante.
Qui traîne la jambe médit son pied.
*
« Je ne pense pas avoir tout saisi ; certaines phrases restent bien mystérieuses, parfois le son, parfois le sens ; et par certains côtés, je fus séduit. »
Il ne dit mot, tout juste accrue-t-il sa vue en baissant piano ses paupières.
« Chaque mot a une histoire ; chaque phrase a une histoire ; ce qui t’a touché n’est autre que la réponse musicale qu’a pu interpréter ton esprit envers l’histoire que tu as donnée à chacune des phrases entendues. »
*
« Ensuite, naturellement, elles vont se graver sans douleur en toi, au plus profond car tu y auras prêté davantage attention qu’à l’accoutumée ; elles te forgeront, oh, finement, irrémédiablement, transformant tes perceptions. »
L’autre sentit le sang lui battre sensiblement les tempes encaissant les chocs.
« Personne n’est le dernier, tout le monde croit être le premier : me trompé-je ? »
*
Ses lèvres se retroussent en un sourire plus prononcé, impression marquée par l’ombre engendrée aux commissures ; il s’efface bien vite.
« Apprendre est un verbe galvaudé, de nos jours ; je suis heureux d’apprécier à nouveau l’éclat de son effet dans les paroles d’autrui. »
Le silence est une vertu qui se jauge à l’aune de nos réflexions ; le temps y est hors de propos, importun.
*
« Aussi âgée qu’une fougère, aussi fringante qu’une ortie, aussi coupante qu’une oyat doit être ta vivacité d’esprit. »
Chatouiller est le propre du contact ; une démangeaison tenace lui titillait le fond de la pensée.
« Deux papillons qui batifolent : y a-t-il mieux auquel on peut sans peine se comparer ? »
*
« Une piste dans les hautes herbes : voilà tout ce à quoi il faut s’attendre. »
« Doublée d’une immense partie de cache-cache. »
La joie illumine leurs visages, terrasse leur fatigue ; ce sont des rides d’un genre à part.
*
Les premières gouttes s’impriment telles des taches de rousseur sur la terre.
Une odeur fraîche s’élève du sol au moment où celui-ci paraît avoir suffisamment bronzé.
Le murmure de l’averse ruisselle, emportant les débris spirituels.
*
Tandis que l’eau crépite sur leurs épaules, le tambour cardiaque résonne plus profondément.
« Parfois, chercher est épuisant, s’abandonner est reposant ; ce n’est pas l’idée d’une défaite, c’est un rebond. »
La figure dégoulinante, l’autre acquiesce ; il passe une main sur son visage, envoyant valser d’innombrables projectiles.
*
« « Croire n’est pas penser », ai-je l’habitude d’affirmer ; le problème étant : tu t’appuies sur les croyances d’autrui pour en former des propre à ta personne, ces individus s’appuient ensuite sur les tiennes, formant un cercle de croyances. »
« La question se résumerait donc à : « Qui veux-tu croire ? » »
« Pas tout à fait, elle serait plutôt du genre « Si ce n’est par la pensée, à quel moment naît la croyance ? » »
*
« Si je voulais être sévère, j’argumenterais dans le sens qu’une croyance est une forme de paresse, nous interdisant de réfléchir par nous-mêmes. »
« Entre faire confiance et devenir crédule, il y a un choix de vie à effectuer. »
La pluie s’éloignait, fredonnante ; elle ne lave rien, elle déplace.
*
« La nuit rend le monde cotonneux ; toute idéologie – religieuse, sociale, économique… – et ses médiats insufflent du chloroforme dans le cerveau des gens. »
« Les extrêmes ne payent qu’en violence. »
« Les traditions héritées deviennent tout aussi intransigeantes, alors qu’elles devraient tenir lieu de repères pour, paradoxalement, s’émanciper. »
*
« Que dois-je faire : avaler sans discuter ce que j’entends, ou mettre tout systématiquement en doute ? »
La pluie n’avait pas chassé cette brumeuse cristallisation atmosphérique qui en aurait dérangé plus d’un.
« Le problème est la dichotomie que les hommes appliquent indifféremment à n’importe quel type de sujet, ou de questionnement. »
*
« Se placer en équilibre promet un va-et-vient salutaire entre les autres positions ; le piège est de ne pas se sentir tiraillé entre elles et de paraître opportuniste. »
La tiède humidité ne permettrait pas un séchage rapide ; les vêtements collaient à la peau, mais qui s’en souciait ?
« L’équilibre n’est pas synonyme d’immobilisme ; la stabilité n’empêche aucunement d’évoluer. »
*
« J’aime le beau ; la laideur n’est-elle qu’une appréciation du beau, alors certaines laideurs sont magnifiques. »
« Dans ce cas, le suicide est-il beau ? »
Vent froid soulève feuille morte ; question précise demande réponse honnête.
*
« Mourir d’un fou rire, s’éteindre en faisant l’amour, disparaître pendant son sommeil : pour soi, ce sont des fins sublimes ; le suicide, non. »
« L’amour, la vie, l’amour de la vie sont des notions inestimables (quoique j’en doute parfois pour nos jours), de toute beauté. »
« Lorsqu’on se suicide, le message envoyé est que l’on a perdu le goût en elles, on a renoncé à percevoir et recevoir le beau en elles ; ce qui est terrible. »
*
« Cela signifie que l’on a fait passer sa propre vie au second plan, que quelque chose a si fortement happé l’attention qu’elle en a décoloré tout ce qui vous entoure ; voilà ce que j’appelle une conduite extrême. »
Déstabilisé, l’autre valse des pieds, tricote des doigts et roule des yeux.
« Comment voulez-vous que j’arrête le chocolat ?! »
(FiN)
ἔβενος φῶς