A&A : interviews croisées

Angélique et Antoine sont tous les deux étudiants en Année spéciale d’Édition/librairie. Ils ont pris à la rigolade le fait que je veuille les interviewer dans le cadre d’un article à déposer sur Oulibo… mais le lendemain, lorsque je me suis pointé avec mon dictaphone et mes questions, d’aucuns ont moins fait les malins (héhé). Voilà le résultat.

Angélique/Antoine, bonjour.
Bonjour !

On sait par définition que tu aimes le livre. Du coup, quel est ton parcours ? Qu’est-ce qui t’as amené à vouloir devenir libraire ?
Angélique : Mes études se résument à un Master I en Lettres Modernes, puis j’ai tenté le CAPES, avec une année de préparation en amont. Mais ça n’a pas marché comme je le voulais… Je n’ai pas retenté le concours. Ensuite j’ai travaillé plus d’un an et demi dans un Cultura. C’est pourquoi je pense que lors de l’entretien d’entrée pour l’AS Éd-Lib, j’avais déjà un projet mûrement réfléchi en tête. J’avais notamment affirmé que pour ma part l’adéquation commerce et culture m’est importante.
Antoine : Ohla ! Eh bien je suis né en 1988 à Moulins-sur-Allier, petite bourgade tranquille d’Auvergne. Je suis arrivé à Bordeaux lors de mon année de Première où j’ai fait un bac ES, et pas un bac littéraire comme beaucoup. Et je me suis dirigé vers trois ans d’Histoire à la Faculté de Bordeaux parce que c’est ce qui me branchait le plus. Ayant eu ma Licence j’ai cherché à faire quelque chose qui me plaisait aussi et j’hésitais entre journalisme et libraire, et le sort a décidé pour moi puisque je me suis loupé au concours de journalisme et j’ai réussi le concours de libraire. C’est pour ça que je suis à l’IUT, car le livre me fascine.
Et libraire plus spécifiquement alors ?
Oui, parce que je ne pense pas avoir les capacités nécessaires pour gérer quelque chose en édition, tout ce qui est recherche, tout ce qui est façonnage d’ouvrage… Je laisse ça à des gens plus professionnels. Je préfère vendre la production et non pas la faire.

D’accord. Quelles sont les différences que tu ressens entre travailler en librairie et travailler sur un stand ?
Travailler sur un stand, ç’a tout du bon côté du métier. On rencontre des auteurs, des gens de tous horizons, l’ambiance est festive… Mais le métier de librairie a aussi des inconvénients non visibles sur les salons, comme la gestion du stock.
Déjà on voit des auteurs, des gens connus…
C’est moins fréquent en librairie ?
C’est-à-dire que quand je prends le programme de Mollat, tu as beaucoup de personnes qui viennent, mais ce n’est pas tous les jours et ils ne sont pas dans le rayon, généralement. Alors que là, justement, il y a beaucoup d’auteurs qui viennent signer en un temps très court. Ce que l’on peut voir d’autre en différence c’est qu’il y a moins de conseils clients que lorsque l’on est en librairie ; là les gens furètent directement, savent à peu près où se trouvent les livres, savent ce qu’ils veulent et viennent juste pour encaisser.

Et pourquoi as-tu choisi le secteur jeunesse/adultes ?
En librairie, jeunesse précisément, j’ai l’impression que le jeune public est plus « ouvert » aux conseils, que son goût est plus aiguisé en ce qui concerne les albums jeunesse. Et puis voir déambuler les tout-petits entre les rayons… J’aime bien.
C’est un coup de bol ! Au début je devais travailler sur le stand de l’Entre-Deux-Noirs, la librairie de Christophe Dupuis, mais malheureusement je n’ai pas pu y travailler parce que l’équipe était déjà au complet, ça ne l’intéressait pas d’avoir quelqu’un en plus. Donc j’ai été pris par Virgin qui eux avait besoin d’un peu plus de monde et il se trouvait qu’il restait de la place en littérature générale, ce qui me tentait bien, vu que je sors d’un mois de stage en librairie section jeunesse.

Comment vois-tu l’avenir du métier de libraire ?
On aura toujours besoin des libraires ! Mais quand on voit que de plus en plus de librairies indépendantes ferment, c’est flippant. Au Royaume-Uni le climat est plus grave qu’en France, mais quand même…
L’avenir, il sera à mon avis qu’on sera toujours là, bien que beaucoup d’oiseaux de mauvais augures veulent nous enterrer directement, nous dire que de toute façon on va mourir, qu’on ne servira plus à rien avec l’arrivée du numérique. Moi je pense que le livre papier continuera à exister. Par exemple, quand tu vois un Citadelles & Mazenod énorme, qui coûte 150 euros mais avec une qualité exceptionnelle de papier, d’encre… tu essaies de trouver ça en numérique, ça ne donne rien. Les albums jeunesse, c’est pareil. Les deux mondes vont exister je pense, et ce n’est pas parce que le numérique va apporter beaucoup de chose que le papier, et la librairie à plus forte raison, va disparaître. [NDR : à l’aide de sa prescience digne de Muad’Dib, Antoine a devancé la question suivante.]

Quel est ton avis sur le livre numérique et quelles incidences penses-tu qu’il aura sur ton métier ?
Je ne vois pas trop l’intérêt du livre numérique ! Mais s’il prend trop d’importance, il faudra bien se mettre au goût du jour ! Mais je me dis aussi que le livre numérique n’a pas besoin des libraires pour être commercialisé… Quelle doit être la position des libraires ? Il faut voir l’évolution du livre numérique puisque pour l’instant rien n’est fait.

Maintenant, ton approche vis-à-vis des imprimantes qui permettent de sortir des livres à la demande et à l’unité ?
Ce n’est pas forcément une mauvaise chose. L’exemple d’Antoine est pertinent.
Eh bien, j’ai fait l’expérience puisque j’ai un bouquin, je suis édité par une petite maison d’édition, qui s’appelle les Mille Poètes. On passe justement par ce style d’imprimante puisque bien évidemment, comme ce ne sont pas des livres à fort tirage et qui ne passent pas par les circuits de librairie, uniquement à la demande, je pense que ça peut être quelque chose de très intéressant, de très utile. Attention par contre, parce que beaucoup de gens ont peut-être envie de prendre des emprunts, de vouloir absolument être édité – puisqu’ils ont été refusés par d’autres éditeurs. C’est Bernard Werber qui disait : « Si vous êtes refusé par de nombreux éditeurs, ne vous posez pas la question de savoir pourquoi les éditeurs ne veulent pas de vous, mais posez-vous la question « Qu’est-ce que je peux améliorer dans mon travail ? ». » Je pense que les imprimeries à la demande peuvent être très utiles pour des questions de petit tirage, ou d’auteurs qui ont envie de faire quelque chose hors du circuit du livre, du circuit traditionnel, mais il faut faire attention à l’usage et pas croire que c’est parce qu’il y a les imprimeries à la demande que tout le monde va pouvoir devenir écrivain à succès.

Tu dois me conseiller trois ouvrages sur ton stand. N’importe lesquels, j’ai envie de découvrir des livres anciens, nouveaux…
Ma foi, mes coups de cœur seraient : Les Bêtises de Lapinou ; Le Petit Chaperon rouge ; les albums de Thomas Scotto, particulièrement Les Gens d’autour du feu.
Celui-là, très classique, c’est L’Art de la guerre, de Sun Tzu, un manuscrit qui a été écrit au Vº siècle avant J. C. Il se trouve que ce manuscrit a été utilisé jusqu’à aujourd’hui puisqu’il est encore enseigné dans les écoles militaires. C’est un livre qui traite du fait que dans la bataille, ce qui est important ce n’est pas forcément le nombre de personnes qui est en présence mais la stratégie. Les joueurs de jeu de stratégie sur Internet s’en servent également ; c’est une bonne référence, il se lit assez facilement et il est très intéressant.
En deuxième je conseille La Triste Fin du petit enfant huître et autres histoires, de Tim Burton chez 10/18. On connaît beaucoup le Burton cinéaste, avec son univers à lui ; il est également poète, et 10/18 a eu la bonne idée d’éditer en français son recueil avec les illustrations de Tim Burton, et surtout, la traduction en français avec la version originale, car beaucoup trouvent la traduction calamiteuse. En fait, ils ont vraiment essayé de garder les rimes au maximum, mais en perdant un peu de la musicalité du propos, ce qui est dommage. Mais je le conseille vraiment, même pour ceux qui n’aiment pas forcément Burton en tant que cinéaste, ils pourront découvrir un Burton très poète, très bon.
En troisième, que j’ai commencé mais que je n’ai malheureusement pas pu encore finir, le livre s’appelle L’Interprétation des meurtres de Jed Rubenfeld, chez Pocket. Ce n’est pas un hasard s’il y a un jeu de mots avec L’interprétation des rêves puisque c’est Freud qui vient à New York, avec deux de ses disciples, pour enquêter sur un meurtre avec sa méthode d’interprétation des rêves. C’est vraiment une enquête policière dont Freud est le personnage principal ; c’est très intelligent, très intéressant de le voir d’une manière qu’on n’attendait pas. Bien sûr, c’est romancé, mais il y a des éléments historiques de la psychanalyse qui sont repris.

Dernière question : si tu voyais un de tes auteurs préférés (d’abord, lequel ? Même décédé), que lui demanderais-tu ?
Ma principale question serait « Pourquoi a-t-il décidé d’écrire pour la jeunesse ? » Je lui demanderais aussi sa perception de la chaîne du livre. Pour ce qui est des auteurs (j’en prendrais deux), le premier serait Claude Ponti ; son univers est très original même s’il ne conviendrait pas à tout le monde. Puis Pierre Cornuel, plus classique (si on le compare à Ponti !), mais qui produit des illustrations magnifiques, avec un graphisme malicieusement fouillé. Il a d’ailleurs un personnage récurrent, un petit rat appelé Désiré Raton. Cependant, Pierre Cornuel, je l’ai déjà rencontré.
Un autographe ! De David Eddings, qui a écrit La Belgariade et La Mallorée, que j’aime particulièrement. C’est la saga que je lis toujours, que j’admire au plus haut point. Évidemment, sans sa femme, il n’aurait pas pu écrire les personnages féminins de ses romans.
En deuxième, Douglas Adams (qui est mort lui aussi), qui a écrit la première trilogie en cinq volumes (dont Le Guide du voyageur galactique). C’est de l’humour anglais mâtiné de fantasy. [NDR : ces deux auteurs sont décédés.]

Quelque chose à ajouter ?
Vive la librairie !
Prenez soin du rock’n roll.

Merci à vous deux !

Yohann, AS Bib

La collection Continents noirs

17h au TNBA, samedi 10 avril. Marie N’Diaye et Véronique Ovaldé viennent de quitter la salle Jean Vauthier. On attend à présent de faire connaissance avec la collection « Continents Noirs », fondée il y a dix ans par Jean Noël Schifano, chez Gallimard. Spécialisée en littérature africaine, celle-ci présente une forte identité visuelle : sur toutes les couvertures, un fond jaune clair s’orne d’un fragment de latérite sur lequel se détache le nom de l’auteur et le titre. Mais ces fragments ne se ressemblent jamais ; car, comme le dit Jean-Noël Schifano, si « Continents Noirs » est au pluriel, c’est parce que chaque écrivain est un continent.
La ligne éditoriale ne manque pas non plus de personnalité : on ne peut pas être artiste écrivain si on ne vit pas la malédiction identitaire, soutient Jean-Noël Schifano ; sublimée par l’art, la malédiction se change alors en bénédiction. Ces artistes, dont quatre sont présents, semblent en général confirmer ce point de vue, tout en affirmant chacun un univers différent.
Koffi Kwahulé, qui était dramaturge avant de se consacrer au roman, nous offre avec M. Ki un texte très drôle et fait pour être lu à voix haute, comme le prouve la réaction de la salle lors de la lecture d’un passage.
Fabienne Kanor, qui, elle, est aussi réalisatrice de cinéma, aime que ses textes s’incarnent, que ses mots fassent sens mais aussi chair. Sa brillante lecture d’un extrait de son œuvre laisse entrevoir la thématique qui l’habite : le phénomène de l’aliénation culturelle.
Théo Ananissoh est un auteur emblématique du polar togolais. Son écriture limpide – comme la qualifie Jean-Noël Schifano – et son choix d’un roman hybride, à mi-chemin du classique et du policier, sont le biais par lequel il traite de questions universelles, telles que les arcanes qui régissent le monde du pouvoir.
Scholastique Mukasonga, ayant échappé au génocide rwandais, s’érige en gardienne de la mémoire de toute sa famille disparue. Son œuvre, poignante, est hantée par la faim, la faim de tout, aussi bien physique que spirituelle.
La plongée dans ces quatre univers est fascinante et – si l’on excepte un échange de propos un peu vifs entre un membre du public et Jean-Noël Schifano à la fin de la séance – l’alchimie avec la salle semble se créer spontanément.

Pour en savoir plus, consulter la rubrique Continents Noirs sur le site des éditions Gallimard :
http://www.gallimard.fr/catalog/html/actu/index/index_continentsnoirs.html

Bibliographies

Koffi Kwahulé
Babyface, 2006
M. Ki : rhapsodie parisienne à sourire pour caresser le temps, 2010

Fabienne Kanor

D’eaux douces, 2004
Humus, 2006
Les chiens ne font pas des chats, 2008
Anticorps, 2010

Théo Ananissoh
Lisahohé, 2005
Un reptile par habitant, 2007
Ténèbres à midi, 2010

Scholastique Mukasonga

Inyenzi ou Les Cafards, 2006
La Femme aux pieds nus, 2008
L’Iguifou : nouvelles rwandaises, 2008

Émilie, AS Bib

Carte blanche aux éditions Sabine Wespieser

Dimanche 11 avril, 16h30, Tn’BAR

Pour Sabine Wespieser « éditer un livre est avant tout un exercice d’admiration ».

Après trois années de service à l’Éducation nationale elle entre chez Actes Sud pour 13 ans. Elle y a monté la collection de poche Babel. Puis elle a dirigé la collection Librio chez Flammarion pendant un an..

Mais, pour bien exercer son rôle d’éditeur, un « rôle de découvreur et de passeur », elle rêvait d’indépendance, éditoriale et financière. En 2001 elle fonde donc la maison d’édition qui porte son nom.

Cette petite maison publie une dizaine de titres par an. Et son catalogue réunit aujourd’hui 90 titres et 45 auteurs.

Ce grand débat animé par Olivier Mony, critique littéraire à Sud Ouest Dimanche et au Figaro magazine, réunissait autour de l’éditrice plusieurs de ses auteurs : Michèle Lesbre, Annelise Roux, Sébastien Lapaque et Alain Gheerbrant.

Selon Olivier Mony, les livres édités par Sabine Wespieser sont « les plus jolis livres de l’édition française » et, s’ils rétablissent notre rapport érotique au papier, « l’intendance suit » également.

Le catalogue de Sabine Wespieser présente une « très grande diversité dans une très grande rareté » et ses différents titres n’ont d’autre dénominateur commun que d’être d’« authentiques propositions littéraires. »

Sabine Wespieser, après avoir évoqué son amour de la lecture qui a guidé son parcours lors de ses études, puis en tant qu’enseignante, nous dit s’être rendue compte que l’édition était le « laboratoire le plus proche de la littérature contemporaine ». Elle ne connaissait rien de ce métier mais son stage chez Actes Sud lui en révèle les coulisses : un métier de communication, de transmission de passion, d’enthousiasmes, de goûts.

C’est chez Actes Sud qu’elle rencontre certains des auteurs présents à cette Carte blanche. Si elle décide de quitter la maison arlésienne en pleine croissance après treize années de bons et loyaux services, c’est qu’elle a eu peur de la perte de contact avec la lecture et de devoir renoncer à l’accompagnement des auteurs.

Pour exercer ce métier de façon artisanale, il fallait se « payer le luxe » d’avoir sa maison. Cependant, pour gagner en expérience elle prend, pour un an, la direction de la collection Librio, aux antipodes de ce qu’elle fait maintenant. Pour Sabine Wespieser, éditer c’est « créer un laboratoire, capter la création là où elle se trouve et la passer au public le plus large possible. » Mais aussi « donner aux écrivains un lien cohérent où le son de leur œuvre puisse être amplifié. »

Dès 2002, date de sa première publication, elle a la volonté de marquer une cohérence, une unité par la forme car « la forme produit du sens ». Elle se place ainsi, avec ce clin d’œil aux couvertures de la Collection blanche de Gallimard ou à l’étoile bleue de Minuit, dans la belle tradition de l’édition française.

Les auteurs présents, et Annelise Roux au premier chef, insiste sur le fait que Sabine Wespieser est un éditeur qui lit ! Et, en rejoignant cette petite maison, elle a voulu rompre avec une grande maison qui, comme toutes les grandes maisons, fait sentir à ses auteurs qu’ils sont censés être honorés d’être publiés par eux. Et Sabine Wespieser de répondre que les éditeurs ne seraient pas là sans les auteurs, qu’il n’y aurait pas de chaîne du livre sans les auteurs.

Elle a choisi de ne publier que des textes dont elle est totalement convaincue et de s’engager sur toute l’œuvre des auteurs qu’elle accueille. C’est pour cette raison aussi qu’elle ne souhaite pas publier davantage de titres par an. Pour elle, « éditer c’est cheminer ensemble vers une forme d’exigence ». La confiance se construit sur le temps, mais cela va à l’encontre de la société qui veut une rentabilité immédiate. Pour elle, « l’édition c’est le temps ».

Lorsqu’Olivier Mony l’interroge sur son catalogue qui réunit littérature française et littérature étrangère elle répond simplement qu’il s’agit de la continuité de son habitus de lectrice et que les langues et les imaginaires différents sont enrichissants pour un catalogue. Sa seule restriction réside dans sa volonté de ne publier que ce qu’elle lit : donc des textes écrits en anglais, en allemand, ou déjà traduits dans l’une de ces langues.

Elle ne recherche pas de cohérence dans son catalogue, le choix d’un manuscrit est intuitif, elle recherche le son juste, c’est-à-dire l’émotion, elle ne cherche pas la virtuosité. Mais un texte c’est aussi une langue, elle est convaincue par une écriture et, au grand désarroi de certains personnes du public, elle dit ne jamais accepter de manuscrits avec de bonnes histoires mal écrites, ainsi elle ne retravaille jamais, ou très peu, un texte avec son auteur.

Le lien entre l’éditrice et ses auteurs est fort et même Alain Gheerbrant, qui a été éditeur lui-même après guerre, et qu’elle considère comme son maître, parle d’elle en disant « notre Sabine ».

Sébastien Laplaque résume simplement cette relation auteur / éditeur en disant que Sabine sait être à la fois éditeur et PDG, qu’elle est le contraire de ces dirigeants de grandes maisons d’édition où règne l’idéologie manageriale et qui sont diplômés d’écoles de commerce plutôt que de Normale Sup. D’où une certaine asphyxie des auteurs selon lui, que Sabine Wespieser guérit en soignant « la mégalomanie paranoïaque de ses auteurs ».

Ce qui explique sans doute qu’à présent, aucun de ses 45 auteurs n’est allé voir ailleurs si l’herbe y est plus verte.

Delphine et Barbara, AS Bib.

Intermède rock n’roll

La salle se remplit d’un public familial, du nourrisson aux grands-parents, en passant par le jeune lambda. Jean-Michel Espitallier s’installe à la batterie. Il est suivi de près par ses deux acolytes guitaristes, Florent Nicolas et Laurent Prexl. La lumière s’éteint, le public attend tranquillement que le spectacle débute. « 3, 2, 1… Wriing Yeaaah Rwahhhhh » c’est une véritable bourrasque qui envahit la salle et s’infiltre dans les oreilles sensibles des spectateurs. Une dame d’un certain âge se lève aussitôt et entraîne son mari vers la sortie. Son initiative donnera des ailes à une dizaine d’autres personnes qui profiteront du mouvement pour fuir le son rythmé et bruyant qui s’échappe des instruments.

Ceux qui osèrent rester en prirent plein les oreilles ! Michel Espitallier détonne par la maîtrise de son instrument et la vivacité avec laquelle il en use. Florent Nicolas s’illustre davantage par sa discrétion. Quant à Laurent Prexl, il est l’essence pure du rocker : déjanté, hurlant, crachant, amateur de larsens. Son jeu de jambes, sa voie profonde et sa chemise folk en font une espèce de réincarnation d’Elvis.

Une expérience secouante, très appréciable par la diversité qu’elle apporte à l’évènement littéraire tel que l’Escale du livre. Les Prexleys ont surpris mon dimanche, grand bien leur fasse !

Rachel

Hervé Guibert lu par Malik Zidi

Lecture : À l’endroit du cœur
20h30, TnBA Atelier

Montage de textes d’Hervé Guibert lus par Malik Zidi.

J’ai fait fi du conseil donné sur le programme de l’Escale : « Cette lecture s’adresse à un public averti ». Je l’avoue j’étais bien loin de l’être, mais je me félicite d’avoir désobéi et bravé cette mise en garde décourageante et aussi supporté le grand inconfort de la salle. Mais passons ces détails futiles et revivons cette lecture.

L’obscurité, presque le noir absolu. Un rond de lumière et au centre une chaise haute, un pupitre, et un micro. Le reste n’est qu’ombre. Du public enténébré sort un homme : la trentaine, vêtu de beige, la pâleur de son visage accentuée par le roux de ses cheveux et de sa courte barbe. Il monte sur scène, entre dans ce halo de lumière jaunâtre qui le rend terreux, ôte sa veste qu’il pose sur le dossier de la chaise, et s’assoit. Une musique orientale retentit lorsqu’il commence à parler : trop forte, paraissant même incongrue car j’aurais voulu saisir les premiers instants de sa voix. Enfin elle se tait, et je l’entends : un timbre apaisant mais aussi le sentiment d’une volonté féroce de donner du sens et du poids aux mots. Ceux-ci sont crus, poignants, déchirants.

Il fallait toute la douceur et la fragilité de la voix de Malik Zidi, mais aussi la puissance de sa détermination d’acteur pour exprimer la faiblesse d’une enveloppe charnelle trop insuffisante pour contenir les pensées, les sentiments d’un homme. C’est l’impression que m’ont laissée les textes d’Hervé Guibert : un amour, une vivacité d’esprit, une intelligence emprisonnés dans un corps malingre. Et pourtant ce corps, considéré dans sa matérialité la plus brutale, est le premier filtre de son ressenti du monde.

Je ne sais si je ce que je pense est juste, n’étant pas de ce « public averti » dont parle l’Escale. Je n’écris simplement que ce que j’ai ressenti. À l’endroit du cœur est certainement là où cette lecture m’a touchée. Vendredi soir, c’est assurément au TnBA Atelier qu’il fallait être si l’on voulait de l’émotion.

Christelle Fontaine

Philo de comptoir

Le ciel était recouvert d’une cataracte ; bien que le temps fût clair, cette brume qui taisait son nom ajoutait un je ne sais quoi de nauséeux dans les cœurs.

Le carrelage ciré luisait de sa présence.

Ses yeux souriaient pour ses lèvres ; un muscle y tressaillit.

*

Il inspira l’odeur et les idées ; à la ronde ; secoua de déni sa crinière amazonienne.

« Ressens-moi ça, damné philistin. »

L’autre fit une moue de déni ; il se prit une chiquenaude sur l’oreille.

*

« Sors ta truffe du nombril ; émerveille-toi de chaque instant sur cette planète ; partage l’amour de l’être humain, de la Nature, de la vie. »

Avec dédain, l’autre détourne la tête en balayant de la main son espace aérien.

« Prends garde à ton haleine de prosélyte, tu charges l’air de naphtaline. »

*

« Non seulement je vais te soulever l’estomac, mais je m’apprête à t’ouvrir le crâne. »

L’eau glisse le long de la ficelle.

La feuille s’agite de spasmes quand une goutte s’y écrase ; la pluie s’abat, l’arbre est vivant.

*

Le chant du merle est une pure création musicale, indépendante et renouvelée.

La rosée condense sa lanterne matinale au gré des brins d’herbe.

Même les nuages ronflent comme les flammes sous le plafond atmosphérique.

*

L’humour est une fête de l’intelligence ; l’amour est une force de l’habitude ; la mort est une farce de l’éloignement. [La misère est une faute de l’humanité.]

Les grains de sable se frictionnent pour apporter leur chaleur au monde.

Il est ainsi que s’entend par le grondement et le craquement la voix de l’éclair ; sublime brute.

*

Un champignon céleste contraste la foudre tonitruante avec le silence ouaté au sol.

Les grêlons bondissent dans l’herbe telles des sauterelles blanches.

La mémoire est le seul désordre que l’on tolère, que l’on prospère, que l’on exécute.

*

L’amour rend aveugle, le soleil également ; l’amour détruit, le soleil aussi ; l’amour révèle, le soleil de plus belle.

La glace qui fond rejoint la mer des larmes : il n’existe pas de glace qui soit éternelle.

Les nervures de la feuille sont les lignes de la main.

*

Plus c’est fort, plus c’est fou, plus c’est faux.

L’unique désert où la désolation seule vainc est de type religieux.

Marcher sous la pluie ensoleillée, cheminer sous la Voie Lactée : quelle est la différence ?

*

Le passé peut être source d’enrichissement, d’emprisonnement et d’empoisonnement : prends le pétrole.

Traverser la toundra, c’est comme passer ses doigts sur un crâne chauve ; on s’aperçoit soudain que la Terre est ronde !

Aux meilleures choses, il est plus aisé d’y trouver une fin qu’un début.

*

Confondre une edelweiss avec de la neige ; autant confondre le chant des baleines avec un sonar.

Toutes les nuits, on ricoche sur le sommeil ; jusqu’à la dernière.

Une galaxie, c’est comme deux œufs au plat l’un contre l’autre ; de là l’origine du respect pour la cuisine.

*

Fraise, framboise, fromage : ne pas chercher l’intrus.

Un grain de poussière qui flamboie, c’est une étoile filante ; une planète qui rougeoie, c’est Mars qui enchante.

Qui traîne la jambe médit son pied.

*

« Je ne pense pas avoir tout saisi ; certaines phrases restent bien mystérieuses, parfois le son, parfois le sens ; et par certains côtés, je fus séduit. »

Il ne dit mot, tout juste accrue-t-il sa vue en baissant piano ses paupières.

« Chaque mot a une histoire ; chaque phrase a une histoire ; ce qui t’a touché n’est autre que la réponse musicale qu’a pu interpréter ton esprit envers l’histoire que tu as donnée à chacune des phrases entendues. »

*

« Ensuite, naturellement, elles vont se graver sans douleur en toi, au plus profond car tu y auras prêté davantage attention qu’à l’accoutumée ; elles te forgeront, oh, finement, irrémédiablement, transformant tes perceptions. »

L’autre sentit le sang lui battre sensiblement les tempes encaissant les chocs.

« Personne n’est le dernier, tout le monde croit être le premier : me trompé-je ? »

*

Ses lèvres se retroussent en un sourire plus prononcé, impression marquée par l’ombre engendrée aux commissures ; il s’efface bien vite.

« Apprendre est un verbe galvaudé, de nos jours ; je suis heureux d’apprécier à nouveau l’éclat de son effet dans les paroles d’autrui. »

Le silence est une vertu qui se jauge à l’aune de nos réflexions ; le temps y est hors de propos, importun.

*

« Aussi âgée qu’une fougère, aussi fringante qu’une ortie, aussi coupante qu’une oyat doit être ta vivacité d’esprit. »

Chatouiller est le propre du contact ; une démangeaison tenace lui titillait le fond de la pensée.

« Deux papillons qui batifolent : y a-t-il mieux auquel on peut sans peine se comparer ? »

*

« Une piste dans les hautes herbes : voilà tout ce à quoi il faut s’attendre. »

« Doublée d’une immense partie de cache-cache. »

La joie illumine leurs visages, terrasse leur fatigue ; ce sont des rides d’un genre à part.

*

Les premières gouttes s’impriment telles des taches de rousseur sur la terre.

Une odeur fraîche s’élève du sol au moment où celui-ci paraît avoir suffisamment bronzé.

Le murmure de l’averse ruisselle, emportant les débris spirituels.

*

Tandis que l’eau crépite sur leurs épaules, le tambour cardiaque résonne plus profondément.

« Parfois, chercher est épuisant, s’abandonner est reposant ; ce n’est pas l’idée d’une défaite, c’est un rebond. »

La figure dégoulinante, l’autre acquiesce ; il passe une main sur son visage, envoyant valser d’innombrables projectiles.

*

« « Croire n’est pas penser », ai-je l’habitude d’affirmer ; le problème étant : tu t’appuies sur les croyances d’autrui pour en former des propre à ta personne, ces individus s’appuient ensuite sur les tiennes, formant un cercle de croyances. »

« La question se résumerait donc à : « Qui veux-tu croire ? » »

« Pas tout à fait, elle serait plutôt du genre « Si ce n’est par la pensée, à quel moment naît la croyance ? » »

*

« Si je voulais être sévère, j’argumenterais dans le sens qu’une croyance est une forme de paresse, nous interdisant de réfléchir par nous-mêmes. »

« Entre faire confiance et devenir crédule, il y a un choix de vie à effectuer. »

La pluie s’éloignait, fredonnante ; elle ne lave rien, elle déplace.

*

« La nuit rend le monde cotonneux ; toute idéologie – religieuse, sociale, économique… – et ses médiats insufflent du chloroforme dans le cerveau des gens. »

« Les extrêmes ne payent qu’en violence. »

« Les traditions héritées deviennent tout aussi intransigeantes, alors qu’elles devraient tenir lieu de repères pour, paradoxalement, s’émanciper. »

*

« Que dois-je faire : avaler sans discuter ce que j’entends, ou mettre tout systématiquement en doute ? »

La pluie n’avait pas chassé cette brumeuse cristallisation atmosphérique qui en aurait dérangé plus d’un.

« Le problème est la dichotomie que les hommes appliquent indifféremment à n’importe quel type de sujet, ou de questionnement. »

*

« Se placer en équilibre promet un va-et-vient salutaire entre les autres positions ; le piège est de ne pas se sentir tiraillé entre elles et de paraître opportuniste. »

La tiède humidité ne permettrait pas un séchage rapide ; les vêtements collaient à la peau, mais qui s’en souciait ?

« L’équilibre n’est pas synonyme d’immobilisme ; la stabilité n’empêche aucunement d’évoluer. »

*

« J’aime le beau ; la laideur n’est-elle qu’une appréciation du beau, alors certaines laideurs sont magnifiques. »

« Dans ce cas, le suicide est-il beau ? »

Vent froid soulève feuille morte ; question précise demande réponse honnête.

*

« Mourir d’un fou rire, s’éteindre en faisant l’amour, disparaître pendant son sommeil : pour soi, ce sont des fins sublimes ; le suicide, non. »

« L’amour, la vie, l’amour de la vie sont des notions inestimables (quoique j’en doute parfois pour nos jours), de toute beauté. »

« Lorsqu’on se suicide, le message envoyé est que l’on a perdu le goût en elles, on a renoncé à percevoir et recevoir le beau en elles ; ce qui est terrible. »

*

« Cela signifie que l’on a fait passer sa propre vie au second plan, que quelque chose a si fortement happé l’attention qu’elle en a décoloré tout ce qui vous entoure ; voilà ce que j’appelle une conduite extrême. »

Déstabilisé, l’autre valse des pieds, tricote des doigts et roule des yeux.

« Comment voulez-vous que j’arrête le chocolat ?! »

(FiN)

ἔβενος φῶς

Editions In8

IN8, un choix de manuscrits collégial

Près de Pau une petite maison d’édition In8 publie chaque année une vingtaine de manuscrits : Beaux livres, nouvelles, romans, polars. Une spécificité : le choix est collégial dans cette entreprise, qui est avant tout un atelier graphique. L’aventure a commencé il y a huit ans, avant de devenir « sérieuse » en 2005. Aujourd’hui, deux personnes y travaillent à plein temps. Mais toute l’entreprise met la main à la pâte.

La maison d’édition In8 est née dans une société de graphisme, à une dizaine de kilomètres de Pau, il y a peine huit ans. Tout a commencé par l’édition d’un livre, celui de Bernard Manciet La Maison de la Lande. « Nous avons sorti deux livres en deux ou trois ans, plus par intérêt. Nous n’avions pas dans l’idée d’en faire une véritable activité » se rappelle Cathy, chargée de la production. « Les choses ne sont devenues sérieuses qu’en 2005 » explique en souriant, Olivier Bois, directeur de la maison d’édition.

Vingt livres à petit tirage…

Chaque année, une vingtaine de livres sont publiés à 1 000 ou 2 000 exemplaires. La maison d’édition regroupe quatre collections : « In Situ » pour les romans, « Entre deux lignes » pour les beaux livres, « La porte à côté » pour les nouvelles qui sortent parfois en coffret comme « les nouvelles érotiques » et les polars avec l’association « Noires de Pau ». Une maison d’édition baptisée IN8 comme In octavo, le format d’une feuille pliée en huit. « Très vite nous avons changé de nom. Nous nous étions rendus compte qu’In octavo était déjà pris » se souvient Olivier Bois. Ils recevaient en effet le courrier d’une autre maison d’édition.

(source: www.arpel.fr)

« Un choix collégial »

Cette petite maison d’édition a pourtant une spécificité : le choix des manuscrits est collégial, notamment pour la collection de nouvelles la « Porte à côté ». Difficile de définir le rôle précis de chacun. Tous les membres de l’entreprise, une quinzaine de personnes sont mis à contribution. Ils lisent et donnent leur avis. « Nous nous réunissons ensuite en comité de lecture. Et le chef de collection fait son choix. Notre objectif : démocratiser la lecture » explique Cathy chargée de la production. « Ici les lecteurs ont un CAP ou peuvent avoir fait les Beaux arts. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais les meilleurs et les plus mauvais textes font l’unanimité ». Les auteurs ne sont pas enfermés dans un genre particulier. Ils participent aux différentes collections. Deux personnes travaillent à plein temps pour la maison d’édition.

Sylvie, ancienne libraire met à profit son expérience pour présenter IN8 dans le Sud Ouest. Et Josée Guellil s’occupe de la diffusion à Paris et en Ile France. Une diffusion plus large se fait au gré des rencontres. « Cette année nous avons eu un auteur marseillais explique Olivier Bois. Nous avons alors présenté le livre et notre maison d’édition aux libraires marseillais ». Cette année, c’est leur premier salon du libre. Ils y seront présents de façon permanente. On décèle une pointe d’inquiétude dans la voix de Sylvie. « Ca va être difficile, mais nous avons une identité forte, peu d’éditeurs publient des nouvelles à l’unité ».

(Source : Site des Editions In8)

COLLECTION ENTRE DEUX LIGNES

Des ouvrages de référence, beaux livres, beaux objets et beaux sujets, mélanges de textes et d’images, sur lesquels dérivent les mots de deux auteurs prestigieux, Patrick Guyon et Bernard Manciet. Poètes du temps et des paysages, ils redécouvrent les lignes de la culture et déclinent les versions de l’identité. Ils déroulent le fil d’une histoire sensible qui a marqué nos territoires d’une trace d’homme. L’espace de la page permet à deux regards contemporains, intenses, de déployer sur nos terres, souvent arpentées, souvent ignorées en même temps, leur prose poétique, où la beauté métaphorique approfondit l’investigation scientifique de l’ethnologue.

COLLECTION IN SITU

Des romans, des récits dont le lieu est un argument essentiel. Lieu réel ou imaginé, qui convoque la mémoire, le sensible, les approches diverses de l’instant, les résonances, le chant profond. Lieu où se trame une histoire relevant le défi de la singularité narrative et du style, face auquel l’écrivain se trouve toujours, où qu’il soit.

Le défi de l’écriture.

COLLECTION NOIRE

Les Noires de Pau et In-8 avaient en commun d’être des ateliers, atelier d’écriture, atelier de création. Etre passeur de mots, en somme, de l’invention du texte au tracé sur la page. Et de cette énergie noire, créatrice, peut donc s’élaborer une collection, qui encadre une pépinière de talents dans la voie (ou la voix ?) d’auteurs confirmés. Dérouler le fil, en somme, de nouveaux auteurs qui ont déjà leur mot à dire, jusqu’aux écrivains noirs confirmés. Et creuser le noir, aussi, lui en faire voir de toutes les couleurs, thrillers, polar d’aventure, critique sociale, noir burlesque et grinçant, ou fable politique, belle palette !

COLLECTION ALTER & EGO

« J’ai toujours tenté dans mon propre travail de rendre hommage à ceux par qui je me sentais attiré, de mettre pour ainsi dire chapeau bas devant eux, en leur empruntant une belle image ou quelque formule particulière, mais c’est une chose de faire signe à un collègue qui s’en est allé, et c’en est une autre d’avoir le sentiment que l’on vous en a adressé un, depuis l’autre rive. »

W. G. Sebald, « le Promeneur solitaire » in Séjours à la campagne, traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau, Actes Sud, octobre 2005.

Claude Chambard

Claude Chambard

Alexandre Jardin

Biographie d’Alexandre Jardin

Alexandre Jardin suit les traces de son père, disparu en 1980, en se lançant dans l’écriture après avoir obtenu son diplôme de Sciences Politiques. C’est d’ailleurs pendant ses études qu’il écrit son premier roman ‘Bille en tête’ pour lequel il reçoit le prix du Premier Roman en 1986. Ensuite, il publie ‘Le Zèbre’ (Prix Femina 1988) et ‘Fanfan’ qu’il adapte lui-même à l’écran. Ses romans parlent d’amour, de comment le faire renaître ou de l’envie de le rendre éternel. A côté de ses occupations littéraires et cinématographiques, il est aussi journaliste et écrit ainsi des chroniques pour Le Figaro. Alexandre Jardin s’essaie à la littérature jeunesse avec ‘Cybermaman’. En 1997, il écrit le ‘Zubial’, roman autobiographique sur son père, l’écrivain Pascal Jardin qui en fit de même en écrivant ‘Le Nain jaune’. D’autres films et livres suivent ces oeuvres qui recèlent une certaine joie de vivre. En 2004, Alexandre Jardin publie deux versions du même roman, ‘Les Coloriés’, l’un destiné aux adultes, l’autre aux enfants et livre ‘Le Roman des Jardin’ l’année suivante. Extrêmement impliqué dans l’évolution politique de son pays, il profite de sa notoriété pour lancer, lors des élections présidentielles de 2007, un site internet qui appelle les candidats à expliquer clairement leur programme. Cinéma, littérature, journalisme et politique font d’Alexandre Jardin un littéraire sans frontière de genre.

(source)

Continents noirs fête ses dix ans

Jean-Noël Schifano, directeur de la collection, sera présent à l’Escale pour fêter cet anniversaire, accompagné de cinq de ses auteurs.

Voilà déjà dix ans que la collection de Gallimard dédiée aux écritures noires a été créée. Née d’une discussion entre Antoine Gallimard et Jean-Noël Schifano pendant un voyage au Gabon, elle fut fondée dans le but de donner plus de visibilité aux littératures d’Afrique, de la Caraïbe et de la diaspora. Passeur de leur diversité et de leur vitalité, Continents Noirs a souhaité valoriser ces écrits trop souvent méconnus voire méprisés, en publiant des écrivains reconnus comme de nouveaux talents.

Au-delà du lien avec l’Afrique, l’unité de la collection réside dans ce qui anime ses 35 auteurs : le désir voire la nécessité d’écrire, pour conter, témoigner, dire les douleurs du passé, les mal-être du présent, les interrogations que suscite l’avenir. L’exigence littéraire, associée à une forte identité visuelle – une poignée de latérite, terre des régions du Sud, sur la première de couverture – a fait la réputation de la collection.

Les succès ont été nombreux, portés par des noms comme Mongo Béti, Ananda Devi, Abdourahman Waberi ou encore Sami Tchak. Ils ont aussi pris forme à travers différents ouvrages, tels Les Rochers de Poudre d’or de Natacha Appanah, aujourd’hui édité en Folio, ou Le génocide voilé de Tidiane Ndiaye, essai vendu à 17 000 exemplaires.

Et Continents noirs ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : la collection pourrait s’ouvrir à d’autres sphères linguistiques, notamment anglophone, lusophone et italophone. Des littératures tout aussi riches, mais dont les traductions demeurent peu nombreuses en raison des impératifs budgétaires.

A l’Escale du livre, Jean-Noël Schifano fêtera cet anniversaire avec cinq auteurs publiant un ouvrage en ce début d’année 2010 : Théo Ananissoh (Ténèbres à midi), Libar M. Fofana (Le diable dévot), Fabienne Kanor (Anticorps), Koffi Kwahulé (Monsieur Ki) et Scholastique Mukasonga (L’Iguifou). Des romans et un recueil de nouvelles que le directeur de collection nous promet « très forts sur le plan de l’expression et de la nervosité ».