Carte blanche aux éditions Sabine Wespieser

Dimanche 11 avril, 16h30, Tn’BAR

Pour Sabine Wespieser « éditer un livre est avant tout un exercice d’admiration ».

Après trois années de service à l’Éducation nationale elle entre chez Actes Sud pour 13 ans. Elle y a monté la collection de poche Babel. Puis elle a dirigé la collection Librio chez Flammarion pendant un an..

Mais, pour bien exercer son rôle d’éditeur, un « rôle de découvreur et de passeur », elle rêvait d’indépendance, éditoriale et financière. En 2001 elle fonde donc la maison d’édition qui porte son nom.

Cette petite maison publie une dizaine de titres par an. Et son catalogue réunit aujourd’hui 90 titres et 45 auteurs.

Ce grand débat animé par Olivier Mony, critique littéraire à Sud Ouest Dimanche et au Figaro magazine, réunissait autour de l’éditrice plusieurs de ses auteurs : Michèle Lesbre, Annelise Roux, Sébastien Lapaque et Alain Gheerbrant.

Selon Olivier Mony, les livres édités par Sabine Wespieser sont « les plus jolis livres de l’édition française » et, s’ils rétablissent notre rapport érotique au papier, « l’intendance suit » également.

Le catalogue de Sabine Wespieser présente une « très grande diversité dans une très grande rareté » et ses différents titres n’ont d’autre dénominateur commun que d’être d’« authentiques propositions littéraires. »

Sabine Wespieser, après avoir évoqué son amour de la lecture qui a guidé son parcours lors de ses études, puis en tant qu’enseignante, nous dit s’être rendue compte que l’édition était le « laboratoire le plus proche de la littérature contemporaine ». Elle ne connaissait rien de ce métier mais son stage chez Actes Sud lui en révèle les coulisses : un métier de communication, de transmission de passion, d’enthousiasmes, de goûts.

C’est chez Actes Sud qu’elle rencontre certains des auteurs présents à cette Carte blanche. Si elle décide de quitter la maison arlésienne en pleine croissance après treize années de bons et loyaux services, c’est qu’elle a eu peur de la perte de contact avec la lecture et de devoir renoncer à l’accompagnement des auteurs.

Pour exercer ce métier de façon artisanale, il fallait se « payer le luxe » d’avoir sa maison. Cependant, pour gagner en expérience elle prend, pour un an, la direction de la collection Librio, aux antipodes de ce qu’elle fait maintenant. Pour Sabine Wespieser, éditer c’est « créer un laboratoire, capter la création là où elle se trouve et la passer au public le plus large possible. » Mais aussi « donner aux écrivains un lien cohérent où le son de leur œuvre puisse être amplifié. »

Dès 2002, date de sa première publication, elle a la volonté de marquer une cohérence, une unité par la forme car « la forme produit du sens ». Elle se place ainsi, avec ce clin d’œil aux couvertures de la Collection blanche de Gallimard ou à l’étoile bleue de Minuit, dans la belle tradition de l’édition française.

Les auteurs présents, et Annelise Roux au premier chef, insiste sur le fait que Sabine Wespieser est un éditeur qui lit ! Et, en rejoignant cette petite maison, elle a voulu rompre avec une grande maison qui, comme toutes les grandes maisons, fait sentir à ses auteurs qu’ils sont censés être honorés d’être publiés par eux. Et Sabine Wespieser de répondre que les éditeurs ne seraient pas là sans les auteurs, qu’il n’y aurait pas de chaîne du livre sans les auteurs.

Elle a choisi de ne publier que des textes dont elle est totalement convaincue et de s’engager sur toute l’œuvre des auteurs qu’elle accueille. C’est pour cette raison aussi qu’elle ne souhaite pas publier davantage de titres par an. Pour elle, « éditer c’est cheminer ensemble vers une forme d’exigence ». La confiance se construit sur le temps, mais cela va à l’encontre de la société qui veut une rentabilité immédiate. Pour elle, « l’édition c’est le temps ».

Lorsqu’Olivier Mony l’interroge sur son catalogue qui réunit littérature française et littérature étrangère elle répond simplement qu’il s’agit de la continuité de son habitus de lectrice et que les langues et les imaginaires différents sont enrichissants pour un catalogue. Sa seule restriction réside dans sa volonté de ne publier que ce qu’elle lit : donc des textes écrits en anglais, en allemand, ou déjà traduits dans l’une de ces langues.

Elle ne recherche pas de cohérence dans son catalogue, le choix d’un manuscrit est intuitif, elle recherche le son juste, c’est-à-dire l’émotion, elle ne cherche pas la virtuosité. Mais un texte c’est aussi une langue, elle est convaincue par une écriture et, au grand désarroi de certains personnes du public, elle dit ne jamais accepter de manuscrits avec de bonnes histoires mal écrites, ainsi elle ne retravaille jamais, ou très peu, un texte avec son auteur.

Le lien entre l’éditrice et ses auteurs est fort et même Alain Gheerbrant, qui a été éditeur lui-même après guerre, et qu’elle considère comme son maître, parle d’elle en disant « notre Sabine ».

Sébastien Laplaque résume simplement cette relation auteur / éditeur en disant que Sabine sait être à la fois éditeur et PDG, qu’elle est le contraire de ces dirigeants de grandes maisons d’édition où règne l’idéologie manageriale et qui sont diplômés d’écoles de commerce plutôt que de Normale Sup. D’où une certaine asphyxie des auteurs selon lui, que Sabine Wespieser guérit en soignant « la mégalomanie paranoïaque de ses auteurs ».

Ce qui explique sans doute qu’à présent, aucun de ses 45 auteurs n’est allé voir ailleurs si l’herbe y est plus verte.

Delphine et Barbara, AS Bib.

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